Le bras de fer continue
Samedi dernier à Vienne, c'est un projet de résolution bien allégé qui a été présenté devant le conseil des gouverneurs de l'Agence International de l'Energie Atomique. Le projet proposé par la "troika" européenne (France, Allemagne et Grande Bretagne) qui, initialement, appeler à la saisine du Conseil de sécurité des Nations-Unis de l'Iran pour reprise de ses activités de conversion de l'uranium dans son usine d'Ispahan, apparait uniquement comme une sérieuse mise en garde.
Ce qui inquiète aussi fortement l'Europe, soutenue par les Etats-Unis, est une possible reprise des activités d'enrichissement de l'uranium pour laquel sa conversion est une étape essentielle. Techniquement, après extraction, l'uranium est envoyé dans des usines de concentration dans lesquels les roches sont concassées et broyées. On leur applique ensuite un traitement chimique pour le transformer en "yellow cake", poudre jaunatre. Il s'agit d'U3O8 dont la teneur en uranium est de 80% environ. La conversion intervient à ce niveau. Il s'agit d'une opération durant laquelle l'U3O8 est transformé en tétrafluore d'uranium (UF4) puis en hexafluorure d'uranium (UF6). Ce dernier a la propriété d'être gazeux à des températures et pressions modérées. Il est idéale pour les processus enrichissement (on sépare l'U238 de l'U235) qui sont basés sur la centrifugation (on fait tourner le gaz et l'isotope d'uranium le plus lourd, l'U238, est envoyé à la périphérie alors que l'U235 reste au centre). C'est l'uranium enrichi (ayant une concentration plus importante d'U235 que dans son état naturel) qui est envoyé dans les centrales. Si on pousse encore plus loin le processus d'enrichissement, on peut obtenir un uranium utilisable à des fins militaires.
Lors du vote, les pays qui étaient hostiles à la saisine (Russie et Chine principalement) se sont simplement abstenus. Au final le texte a été adopté par 22 voix pour, 1 contre (le Vénézuela) et 12 abstentions. Il s'agit d'une demi-victoire pour l'Iran qui déclare que ses activités restent dans le cadre du Traité de Non-Prolifération (TNP). D'après Ali Larijani le négociateur en chef du nucléaire iranien, dont on a pu voir un entretien sur la chaîne iTele au cours du Journal de l'International cette semaine, l'uranium n'est utilisé qu'à des fins pacifiques pour sa filière énergétique. Alors que le pétrole viendra à manquer dans une cinquantaine d'année, Ali Larijina a ajouté qu'empecher certains pays de se doter du nucléaire civil était une injustice flagrante portant atteinte à la souveraineté des pays pour assurer leur indépendance énergétique. Ce message a été entendu par La Russie, la Chine et les pays non-alignés et explique leur rejet d'un recours au Conseil de sécurité.
Malgrè tout, la résolution qui a été voté samedi dernier a néanmoins stigmatisé l'Iran pour sa politique de dissimulation concernant ces activités nucléaires. Rappelons que l'Iran avait été placé en au début de 2003 sous le contrôle de l'AIEA dans le cadre d'un protocole additionel au TNP après révélation de dix-huit ans d'activités cladestines. Depuis, l'existence d'un programme nucléaire militaire est encore une question ouverte. Alors que les Européens avaient prévu de proposer leur résolution appelant à la saisine dès le mois d'Août, le délai est du à la volonté de l'AIEA de clarifier certains points sur cette question sensible comme le mentionne Thérèse Delpech dans "Le Monde" daté du Samedi 3 décembre. Il s'agit de la date de remise du rapport complet de l'AIEA à chacun des membres du conseil des gouverneurs qu'ils ne voulaient pas transmettre avant leur rendez-vous avec des experts pakistanais. Le but était de leur poser des questions au sujet d'une offre faite par le Pakistan à l'Iran en 1987 dont les inspecteurs ignorent la nature exacte. Un plan d'arme figurait-il dans l'offre ? Le Pakistan a-t-il livré de l'uranium hautement enrichi à l'Iran ?Les boulots sur physicsnews
Nouveauté sur physicsnews : les offres de boulots !!!!
Vous les trouverez sur la colonne de gauche...même principe que pour les news de NewScientist, Physical Review Letter, Physical Review Focus etc... : un fil rss updaté automatiquement et ne dépendant pas de votre webmaster adoré. Pour l'instant, seules les offres d'emploi internationales de NatureJobs sont présentes mais j'en rajouterai d'autres au fur et à mesure...Stay in Touch :)
Vide et condensats de Bose-Einstein
Va te laver les dents !!!!!!
Une mer étrange dans le proton
Conférences d'Intérêt Général
L'université Paris Sud et la Société Française de Physique organisent depuis début 2005 une série de conférences d'intérêt général ouverte à tous. Les conférences se déroulent généralement les mercredi après midi à 16h00 dans l'amphithéâtre du LAL au campus d'Orsay jusqu'au 14 décembre.
Parmi les orateurs qui sont déjà venus on peut citer : les prix Nobel Pierre-Gilles de Gennes et Claude Cohen-Tannoudji, Robert Aymar le directeur du CERN et récemment, Catherine Bréchignac. La plupart des séminaires sont disponibles sous la forme de fichiers .pdf et .ppt et sont visibles avec realplayer ou autres. A voir ou à revoir mais à ne surtout pas rater : les exposés de Bernard Tamain et de Alain Aspect portant, respectivement, sur "L'énergie : un problème majeur pour demain" et sur "Des intuitions quantiques aux bits d'Einstein : Stupéfiantes intrications"
Du fer en forme de citrouille
Prenez un noyau de fer normal, rajoutez lui 5 neutrons, excitez le et...il prendra une forme de citrouille. Une collaboration internationale de physiciens a pu mesurer, au GANIL (Grand Accélérateur National d'Ions Lourds) pour la première fois la déformation légèrement aplatie d'un noyau de Fer 61 dans un de ses états excités. Non seulement, la déformation des noyaux dans leurs états excités est l'un des paramètres les plus difficiles à mesurer en physique nucléaire mais, en plus, cette mesure a été réalisée sur un noyau radioactif. Alors qu'on connaît très bien les noyaux stables qui nous entoure (tant au point de vue expérimental que théorique), les chercheurs ont très peu de données concernant les noyaux étant déficients ou riches en neutrons par rapport à leur isotope stable. Le grand intérêt de ce résultat (et de ceux qui seront obtenus par la suite, on l'espère, avec la méthode novatrice qui a été employée ici) est qu'il va permettre d'agir comme une contrainte pour tester nos modèles nucléaires loin de leur domaine privilégié d'application afin de mieux comprendre le fonctionnement du noyau atomique. Cette connaissance est importante en ce qui concerne notre maîtrise des filières d'énergie nucléaire ou pour comprendre la nucléosynthèse stellaire et comment ont été constitués les éléments qui nous entourent.
Le noyau de Fer 61 a été produit par fragmentation d'un faisceau de nickel, allant à une vitesse de 100 000 kilomètres par seconde, sur une cible de beryllium. Le fer 61 a été séparé des nombreux autres fragments produits lors de ce genre de réaction à l'aide d'un spectromètre. Le niveau excité du Fer 61 pour laquelle a été réalisée la mesure est un état excité particulier, appelé isomére, possédant une durée de vie assez longue (245 nanosecondes en l'occurence avant qu'il ne se désexcite) comparé à celle des états excités "standards" (de l'ordre de la picoseconde). Le Fer 61 excité a donc le temps d'atteindre un cristal de cadmium dans lequel il peut s'implanter. Un noyau présentant une déformation est automatiquement mis en rotation par l'effet du champ électrique régnant dans le cristal. Le noyau se désexcite alors en émettant des rayonnements gamma dont l'axe d'émission varie à cause de ce mouvement de rotation. C'est en observant, grâce à un ensemble de détecteurs de photons de haute énergie appropriés, la variation temporelle et spatiale du rayonnement gamma émis par le Fer 61 en se désexcitant que les physiciens ont pu déterminer sa déformation dans son état isomère.
source :
"Mesure de la déformation d’un noyau exotique aplati comme une citrouille" , communiqué de presse IN2P3 du 1er septembre
Publiée sur le site de futura-sciences.comMauvaises nouvelles pour les OGM
Bush prend position pour l' "intelligent design"
Depuis son ranch du Texas, le 1er août dernier, lors d’un entretien informel d’une heure trente avec plusieurs journalistes, le président G.W. Bush s’est déclaré favorable à l’enseignement de l’ «intelligent design» (ID) dans les écoles américaines. Cette prise de position a déclanché de vives réactions de la part de la communauté scientifique américaine pour qui l’ID est une version un peu plus présentable des thèses créationnistes des fondamentalistes chrétiens.
L’ «intelligent design» est un mouvement, né dans les milieux universitaires américains, postulant que le cours de l’évolution des espèces ne peut s’expliquer sans l’action d’une sorte de main « divine ». Par exemple, certains systèmes biologiques sont trop complexes et les différences entre les différentes espèces sont trop importantes pour être expliqués uniquement par l’évolution naturelle. Pour le docteur Salvador Cordova, l’un des principaux promoteurs de l’ID, le but de ce mouvement n’est pas de faire des hypothèses sur la nature de cette main mystérieuse sans laquelle l’apparition de la vie sur Terre n’aurait pu, selon eux, avoir lieu. Toujours selon eux, ce mouvement n’a rien à voir avec la théologie ; il s’agit d’une science à part entière qui donnera lieu à des articles sérieux ayant toutes leurs places dans les revues spécialisées.
Malgré tous, l’intérêt grandissant suscité par l’ID auprès des étudiants américains semble répondre à la crise de la foi qu’ils ressentent à leur entrée dans les universités américaines. D’après un sondage, les 3/4 d’entre eux arrivent en pensant que Dieu a joué un rôle dans l’origine de l’espèce humaine et 75 % des étudiants de l’université George Mason à Fairfax en Virginie (où enseigne Cordova) serait intéressé par un cours sur l’ « intelligent design ». De plus, l’ID est financé en grande partie par des riches mécènes conservateurs et même si les promoteurs de l’ID se défendent de toutes accointances avec eux, les créationnistes peuvent y trouver le meilleur moyen de contourner les ordonnances de la cour suprême et rentrer dans les écoles. Par exemple, en 1987, la cour suprême cassait une loi de l’état de Louisiane visant à enseigner le créationnisme dans les écoles sous prétexte que son étude était basée sur les textes bibliques. Ce problème n’existe plus avec l’ « intelligent design » et plusieurs états veulent l’inclure (Pennsylvanie, Kansas, Mississipi, Arkansas) dans leur programme scolaire. Cela impliquera, entre autres, l’ajout de « stickers » sur les livres de biologie (comme celui montré sur la couverture de « Nature » placée en illustration).
Clairement teintée de théologie, l’ID introduit également l’idée que la connaissance scientifique est incomplète et qu’il n’y a surtout aucun moyen de combler les écarts introduits par l’action de la « main divine ». Il a quelque chose d’étrange à s’entendre dire que la science devrait arrêter de chercher une explication à certaines choses qui la dépasseront à jamais surtout que, dans certains cas, il est clair que les promoteurs de l’ID sont dans l’erreur. Par exemple, pour eux, le flagelle des bactéries, la queue qu’elles utilisent pour se mouvoir, est trop compliqué pour être expliqué par l’évolution seule. Selon Bruce Albert, microbiologiste et président de l’Académie Nationale des Sciences, les chercheurs seront arrivés dans les dix ans à comprendre d’où elle vient en tenant compte des progrès effectués ces dernières années. Est-il vraiment bien raisonnable, comme le dit l’ID, d’abandonner cette recherche ? Et même si certaines choses devaient à jamais demeurer hors de notre portée, « essayer de combler les écarts » est l’un des principes moteurs de la connaissance.
On peut donc comprendre les propos de John Marburger, le conseiller scientifique de G.W. Bush quand il dit que l’ID n’est pas une théorie scientifique. Malheureusement, il n’a visiblement pas été écouté cette fois-ci. Il est clair que l’introduction de l’ID dans les programmes scolaires va créer une grande confusion dans les esprits des enfants entre la science et la foi. En ce sens, Lawrence Krauss, un chercheur en physique théorique, a raison de dire qu’il s’agit pas uniquement d’une attaque contre l’évolution mais d’une attaque contre la science en général.
Source :
« Scientists attack Bush over intelligent design » par Virginia Gewin, Nature 436 (11 aout 2005), 761
« Keeping religion out of science class », Nature 436 (11 aout 2005), 753
« Who has designs on your students’ minds ? » par Geoff Brumfiel, Nature 434 (28 avril 2005), 1065